12 août 2016

Barthélémy et moi-même arrivons à Luckno w dans la matinée. Nous nous installons à l’hôtel habituel situé dans le centre ville avant de nous rendre à l’école du bidonville dans l’après-midi où nous retrouvons Shashi Singh et Sandiou ainsi que les enfants parrainés en pleine session de cours de soutien. Sandiou nous présente les cinq nouveaux enfants parrainés, quatre garçons et une fille :
Touaheed, Rashid, Zeshan, Shahrukh, et Tamanna. Nous rencontrerons leurs familles plus tard.

Les murs de l’école sont défraîchis à cause des pluies de la mousson qui ont commencé en juillet. Nous faisons un point sur le toit à rénover. Bonne nouvelle : la classe des grands possède de nouveaux bancs et tables en fer noir. Les enfants peuvent enfin se tenir plus confortablement, sans être arque boutés sur leurs cahiers. Nous avons apporté dans nos bagages de nombreuses fournitures scolaires de France : cahiers, stylos, feutres et crayons de couleur, ciseaux et jeux pour enfants.

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Avec Sandiou et Shashi, j’entame la discussion sur le choix d’une nouvelle professeure pour la classe des petits en précisant que le salaire pourrait monter jusqu’à 15 000 roupies (environ 200 euros) pour un temps plein si la personne choisie est compétente et parle bien anglais. Shashi et Sandiou ont quelqu’un en tête depuis plusieurs mois : il s’agit d’une professeure à la retraite qui a enseigné dans une école privée de renom. Je demande d’organiser des entretiens avec plusieurs candidates puisqu’il avait été prévu depuis plusieurs semaines que la sélection d’un professeur pour les enfants le matin et d’un professeur d’anglais l’après-midi se ferait lors de mon séjour en août.

Shashi a repris le poste de Bulbul depuis juillet avec les petits et se fait aider par Meena, qui avait enseigné aux petits lors des premières années de l’école. Shashi a aussi repris les fonctions du professeur d’anglais et enseigne la grammaire aux filleuls, ce qui ne se fait pas dans les écoles. C’est plutôt une bonne chose. Elle a l’air de s’investir dans cette tâche.

Le soir, deux jeunes artistes français, Jonathan, jongleur, et Maxime, danseur hip-hop et contemporain, viennent nous rejoindre à l’hôtel. A la recherche d’un projet solidaire sur les arts circassiens, les deux garçons âgés de 19 et 20 ans avaient contacté ETC/Sruti quelques mois auparavant et s’étaient engagés à nous aider dans l’association à Lucknow en partageant leurs talents de jongleur et autres arts du cirque et de la danse avec les enfants.

Samedi 13 août

Départ le matin pour Dubagga avec Barthélémy, Jonathan et Maxime. La disposition de la classe a changé depuis notre dernier voyage en février-mars 2016. Mais malgré nos recommandations de février prônant la scission en deux groupes des petits (un groupe pour les nouveaux arrivants et les plus jeunes et un autre pour ceux qui possèdent déjà des acquis), tous les enfants sont là en même temps ce qui crée un certain brouhaha. Shashi explique que c’est en raison de la distribution du repas hebdomadaire.

Meena est venue, toujours aussi énergique. Elle aide à canaliser les petits. Le samedi étant consacré aux activités créatives, la séance commence par du dessin libre sur du papier brouillon. Nous continuons par des pliages : Maxime et moi-même, avec les petits, travaillons sur des bateaux. Barthélémy et Jonathan, avec les grands, font des cocottes et des avions. Meena est d’une aide précieuse, très attentive et très réactive aux diverses situations (reprise d’un pliage, ré-explication aux enfants, respect de la discipline).

La séance se poursuit avec un peu d’anglais pour les petits : l’exercice porte sur des phrases simples, une question « Comment tu t’appelles ? » à laquelle l’enfant interrogé répond : « Je m’appelle X » et pose ensuite la question à un autre enfant, qui répondra à son tour, et ainsi de suite. Les tout petits, trop jeunes, ne participent pas et se contentent d’observer. Nous réalisons cet exercice plusieurs fois, Meena ne lâchant pas les enfants qui ne prononcent pas correctement ou donnent directement leur nom sans faire de phrase. Cela nous prend une bonne demi-heure. Les grands sont pris en charge par Barthélémy, Maxime et Jonathan : jeux de mains, batailles de pouces, bras de fer… Malgré la barrière de la langue, ils échangent avec les enfants, filles comme garçons. Nous continuons avec des jeux de société. Lors de cette matinée, nous constatons qu’il manque des jeux pour les enfants de 3 à 6 ans.

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Le repas est servi à partir de midi en deux services : les petits puis les grands. Seuls les grands se lavent les dents après avoir fini.

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Nous sommes retournés à l’école vers 15h30 voir les enfants parrainés. Avant notre départ, nous souhaitons qu’ils écrivent une carte sur la fête du 15 août. Ils ont d’abord écrit en hindi au brouillon et doivent préparer une version en anglais pour lundi. Ils recopieront ensuite sur des cartes qu’ils décoreront. Ensuite, nous avons visité quatre familles de nouveaux enfants parrainés sur cinq (Touaheed, Rashid, Shahrukh, Tamanna). Nous avons pu parler avec les mamans, les pères étant partis travailler.

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Dimanche 14 août

Aujourd’hui, nous partons en excursion à Mohanlal Ganj, rendre visite au père Edward de l’association Ashalayam Don Bosco. Shashi, Barth et moi-même partons en taxi. La ville de Mohanlal Ganj se trouve à une vingtaine de kilomètres de Lucknow. La rencontre avec le père Edward fut intéressante. Il a l’air jeune et dynamique. Il se présente en T-shirt et jeans, sans chichi. Autour de lui, quelques enfants curieux mais pas insistants.

Nous discutons avec lui pendant environ une heure. Il nous explique que son foyer s’occupe de 54 garçons de tous âges, perdus ou enfuis de chez eux, qui lui sont confiés par la Child Line, un dispositif gouvernemental. Il dit pourtant faire fonctionner cet endroit entièrement sur des deniers privés car des subventions de l’Etat d’Uttar Pradesh impliqueraient le versement de pots-de-vin. « Si le gouvernement me donne 100 roupies, je n’en récupérerai en réalité que 70 alors que je dois rendre des comptes sur 100 roupies. Comment accepter cela ? ». Il dit bénéficier d’un réseau de collègues et autres relations constitué au fil de son expérience personnelle et professionnelle. Originaire du Rajasthan, il a étudié à Mumbai, Calcutta, Delhi et d’autres villes indiennes. Il est à Lucknow depuis seulement un an.
Le foyer fait bonne impression. Situé sur un terrain à l’extérieur de la ville, le lieu est grand. Il y a un jardin, une salle de musique, une salle informatique et une petite librairie bilingue hindi et anglais. Tout est en autogestion, rien n’est fermé à clé. Les enfants ont l’air épanoui. L’association Don Bosco s’occupe aussi d’un centre de formation à la couture à Kanpur, dans une région rurale. Les filles bénéficient au début d’une formation gratuite. On leur fournit la plupart du matériel. Puis, progressivement, pour les responsabiliser, elles doivent apporter leur matériel (ciseaux, tissu à couper…). Enfin, elles doivent acquérir leur machine à coudre et faire leur propre shalwar kamiz (et venir en cours avec) pour que la formation soit validée. Certaines ouvriront ensuite à leur tour des centres de couture.

La fin de la journée donne lieu à quelques mises au point sur la gestion de l’école avec Shashi et Sandiou. Concernant le recrutement de l’enseignante pour les petits, Shashi m’indique avoir retenu quatre candidates pour l’enseignement des petits. Parmi elles, il y a une professeure à la retraite ayant 20 ans d’expérience à Delhi. Sandiou propose également de trouver des candidats pour le poste de professeur d’anglais d’ici une semaine. Je lui propose de leur faire passer l’entretien par téléphone.

Lundi 15 août

Fête de l’Indépendance.
Nous avions prévu des festivités avec les enfants et des ateliers acrobaties / jonglage mais il a plu des cordes toute la nuit et tout est trempé. Nous annulons notre venue et reportons les entretiens des professeurs au lendemain. Au centre de la ville, levée du drapeau et chants patriotiques transmis à fond par de gros haut-parleurs dès 7h30. Ne pouvant nous rendre à Dubagga, nous décidons d’aller faire un tour à Regency avec Maxime et Jonathan. Nous assistons à une parade des forces de l’ordre devant Residency, le long de la Gomti, devant un petit parc mémoriel.

 

Mardi 16 août :


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Nous passons la journée à l’école de Dubagga.
Le matin, nous faisons des ateliers initiation à la danse hip hop et jonglage avec les petits. La prise de conscience du rythme est un peu difficile, mais il y a quelques jolies surprises en ce qui concerne le jonglage et les « baby freez » du hip-hop proposées par Maxime.
Le groupe des grands après 11h00 se voit proposer les mêmes activités. La séance s’achèvera sur un petit spectacle de jonglage et hip-hop / danse contemporaine, suivi d’une démonstration de kathak et d’un peu de danse de quelques filles de l’école.
Vers 14h30, les candidates au remplacement de Bulbul, enseignante des petits, se présentent chez Shashi. Trois candidates ont fait le déplacement. La première se nomme Mme Kusum Agrawal et habite à 45 minutes de l’école. Elle a 61 ans et vit avec sa fille, elle-même enseignante. Veuve, elle
a enseigné une vingtaine d’années à Delhi dans des écoles publiques avec tout ce que cela implique en terme de manque de ressources. Elle a ensuite déménagé pour venir s’installer à Lucknow où elle a enseigné dans différents établissements privés où elle s’occupait d’enfants de niveau maternelle (2 à 6 ans). Mme Agrawal présente bien, est aimable, parle tout de suite en anglais à mon invitation, et comprend bien mes questions. Elle y répond de façon précise et détaillée. Nous lui présentons notre projet pédagogique et les conditions d’exercice (école petite à pièce unique, double niveau, situation dans un bidonville). Nous l’emmènerons ensuite visiter l’école. Cette candidate semble convaincante et répond aux critères éthiques de Sruti. De plus, en employant une femme, la parité est respectée à l’école. Et comme il s’agit d’une personne à la retraite, le problème d’un éventuel départ suite à un mariage ou à une admission à un autre poste ne se pose pas. Nous espérons ainsi pouvoir enfin maintenir la même enseignante pendant un temps plus long.

Les deux candidates suivantes ne remplissent clairement pas les critères que s’était fixée l’association : elles ont entre 18 et 21 ans, n’ont aucune expérience de l’enseignement en classe et aucune idée de la manière d’enseigner. De plus, elles ne parlent pas anglais et ne seront donc pas à
même de l’enseigner. Jonathan et Maxime, restés dans la pièce en observateurs, conviennent également qu’elles ne feront pas l’affaire.

Vers 15h30 nous allons aider les enfants parrainés à faire leur lettre aux marraines et parrains. Il se met à pleuvoir dru. Retour à l’hôtel pour un repos bien mérité.

Mercredi 17 août :

Dernière matinée à l’école. Nous assistons Meena avec les petits et mesurons l’ampleur de la tâche : elle s’occupe individuellement de chaque petit pour lui apprendre à tracer une lettre et lui remet une ardoise pour pratiquer. Avec ceux qui en savent déjà un peu plus, nous travaillons avec le grand tableau au mur et des ardoises.

L’après-midi est réservé aux comptes avec Shashi et Sandiou. Jonathan, Maxime et Barth récupèrent les cartes à l’école et font un atelier danse et jonglage avant qu’une averse impressionnante, faisant se soulever le toit et inondant l’école, ne les oblige à écourter l’activité.

Conclusion

Les objectifs principaux de ce voyage ont été remplis : remise de fonds pour la construction du centre de couture à Bamrouli, sélection d’une professeure pour les petits à Dubagga (qui a depuis commencé à enseigner depuis le 1er septembre), vérification des comptes et transmission des fonds pour l’année à venir jusqu’au prochain voyage des volontaires de Sruti.
Nous avons misé plus que prévu, en terme de budget, sur la réussite scolaire à Dubagga en prenant une enseignante de qualité et en fournissant bancs, tables et matériel scolaire de qualité. Cinq nouveaux filleuls ont été inscrits à l’école City Public School. Sur ce point, nous regrettons qu’il n’y ait pas eu plus de filles sélectionnées étant donné que la scolarisation de ces dernières est un des buts essentiels de l’association et veillerons à l’avenir à ce que cette condition soit davantage respectée. Nous sommes également contents et satisfaits de l’implication dont font preuve Shashi et
Sundiou.
Cependant, il manque encore un professeur d’anglais pour les enfants parrainés l’après-midi et nous comptons sur la réactivité de Sundiou et les contacts de Mme Agrawal pour remédier à cette situation. Nous n’avons pas pu aller à Bamrouli cette fois-ci mais avons fait passer le budget annuel nécessaire et nous rendrons sur place lors du prochain voyage.

 

Bénédicte-Insha Parvaz Ahmad, coordinatrice des projets pédagogiques de Sruti.

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