C’est donc durant deux semaines, en novembre dernier, que j’ai découvert la petite école de l’association Sruti où un programme de soutien à l’alphabétisation auprès d’enfants d’un bidonville est mené. Tout au long de ce séjour, après avoir observé le fonctionnement et les habitudes, j’ai peu à peu travaillé avec Shashi, Sundiou et Mina. J’ai alors mis en place des activités, et ai élaboré avec eux un premier programme éducatif.

LE FONCTIONNEMENT GÉNÉRAL :

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Shashi gère l’ensemble du fonctionnement de l’école. Sundiou, lui, s’occupe des enseignements théoriques. Mina est la nouvelle institutrice désormais employée par l’association. Elle travaillait en tant que vacataire dans une école privée de Lucknow avant de rejoindre l’association Sruti en avril 2010. Elle possède également des compétences dans le domaine de l’éducation à la santé, ainsi que des compétences dans le maquillage…

Pendant mon séjour, le nombre d’enfants présents chaque jour variait entre 32 et 40, avec une moyenne autour de 36. Ils arrivent par petits groupes entre 8h30 et 9h15. Les apprentissages se déroulent jusqu’à 11h30 pour reprendre après la collation à 11h50, et se terminent alors à 13h. Cela se passe tour à tour en hindi, en anglais et en ourdou. Mina, s’occupe de l’ensemble de la classe et fait répéter les enfants un par un, Sundiou s’occupant surtout des plus grands. La classe est unique et a lieu dans une grande pièce.

Une fois par semaine, l’association Sruti propose un repas. Le jour de la semaine varie. Il s’agit d’un plat complet avec du riz, des lentilles et une sauce. Les enfants, après avoir joué en groupe aux puzzles ou au karum, s’installent en rang par terre et mangent avec plaisir ! C’est un moment très particulier où j’ai pu sentir le bonheur des enfants et le besoin réel de ce repas. Les plus grands montrent aux plus petits comment manger. La quantité est suffisante pour en avoir une deuxième assiette. C’est un vrai temps de partage.Au moment de la pause, une collation est distribuée (surtout des gâteaux salés ou sucrés). Certains amènent d’autres choses à manger. Nous avons insisté pour que les fruits soient privilégiés, tels que les bananes (plus nutritifs et équilibrés que les gâteaux). Nous avons aussi pu observer que les enfants ne vont pas systématiquement se laver les mains avant de manger, mais plutôt après. Après discussion avec Shashi, le lavage des mains se fera avant et après la collation.

Nous avons aussi constaté que  les enfants se lavaient les dents avant le repas, ceci dans un souci d’organisation. Nous avons donc proposé que cela se fasse plutôt après le repas, tout en expliquant l’intérêt du brossage des dents.

Ces règles d’éducation à la santé me semblent importantes à pouvoir retravailler dans le cadre du programme, qu’il s’agisse du lavage des mains ou du brossage des dents. Lors de notre visite dans le bidonville, beaucoup d’enfants étaient presque nus et très sales, alors qu’à l’école ils font un réel effort pour être propres et bien habillés. Il serait intéressant qu’un volet d’éducation à la santé se mette en place auprès des enfants dans la petite école Sruti. Puisqu’un point d’eau très proche est désormais accessible (cf. rapport de Delphine Marion), nous pouvons travailler avec les familles la question de la propreté, du lavage des mains et du corps.

LES ENFANTS ET LES ACTIVITÉS :

Les enfants ont entre 3 et 14 ans. Il y a une légère majorité de garçons, surtout chez les plus âgés. Les filles étant rapidement amenées à garder les plus jeunes à la maison. Tous sont particulièrement attentifs et participent aux leçons, quelque soit leur âge. J’ai pu voir environ 10 enfants entre 3 et 5 ans, 10 enfants entre 6 et 8 ans, 10 enfants entre 9 et 11 ans, et 10 enfants entre 12 et 14 ans.

Durant mon séjour, j’ai d’abord pris les enfants par petits groupes de 6 à 8 pour évaluer leurs intérêts et compétences. Nous avons fait différentes activités manuelles de découpage, coloriage, peinture et collage. Chacun a pu ramener chez lui  »l’œuvre » que nous avions faite ensemble.

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Puis, j’ai plus ciblé les enfants en fonction de leur âge et de leurs capacités afin de faire avec eux une série de cartes utilisant différents matériels disponibles sur place, récupérés au fur et à mesure (par exemple, une maman a donné un sac avec des chutes de tissus).

Durant ces groupes, Shashi et Mina étaient tour à tour présentes pour observer et participer avec moi aux activités. Mina a beaucoup participé et s’est montrée tout de suite très enthousiaste et enchantée. Elle est très attentive aux enfants et essaye de les accompagner individuellement dans leur activité en leur montrant et en faisant avec eux.

Elle a été très à l’écoute de mes remarques et propositions, et a pris rapidement des initiatives, se montrant créative et engagée. Ces moments ont été très importants pour moi lors de mon séjour à Lucknow. J’ai décidé de me fier à toute cette énergie pour construire avec elle le projet éducatif.

Mon objectif était de mettre en place, avec eux, un premier programme pour l’école, qui ne prenne pas uniquement en compte les apprentissages de la lecture, de l’écriture et des mathématiques, mais qui assure aussi toutes les activités manuelles, créatrices et graphiques. C’est donc Mina qui dans l’avenir prendra en charge des petits groupes d’enfants de même âge tandis que Sundiou s’occupera des apprentissages pour le reste des enfants. Ces places se sont construites naturellement durant notre séjour.

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Mina leur proposera différentes activités manuelles de dessin, collage, peinture, découpage… L’objectif est de pouvoir travailler avec eux la motricité fine, le graphisme et la créativité, tout cela dans un esprit de jeu et d’amusement, et en petit nombre, afin de privilégier un accompagnement plus individuel.

Le matériel utilisé est principalement local et de recyclage. N’oublions pas que les enfants viennent d’un bidonville de chiffonnier, il est donc intéressant de se servir de ce lieu pour en faire une véritable base de savoir. Ainsi presque tout peut être utilisé : sacs plastiques, chutes de tissus, petits bouts de bois ou de carton, boites d’œufs…

Les horaires seront les suivants :
– 9h-11h30 : Classe avec Mina pour les petits/moyens. Classe avec Sundiou pour les grands. Chaque classe se tiendra dans une salle respective.
– 11h30-11h50 : Collation.
– 11h50-13h : Classe avec Sundiou et activités de groupe avec Mina.

Nous avons également mis en place ensemble quelques lignes directrices quant à la façon de mener une activité (laisser l’enfant faire seul, bien ranger le matériel …). Cela s’inscrit aussi dans une première ébauche de formation et d’accompagnement autour de l’éducation et des activités manuelles auxquelles les enseignants en Inde sont peu formés. Mina s’est montrée très enthousiaste à cette idée.

Une évaluation de ce qui a été fait sera intéressante à faire lors de notre prochaine venue.

LA RENCONTRE AVEC LES MAMANS :

Nous avons organisé avec Delphine une rencontre avec des femmes du bidonville un samedi matin au sein de la petite école Sruti. Elles ont été 15 à venir, certaines avec leur bébé. Elles se sont naturellement présentées et ont participé très facilement à la discussion tandis que Shashi faisait les traductions. La réunion s’est déroulée dans une très bonne ambiance de convivialité, d’échanges et de rires.

Après que Delphine ait fait son intervention sur l’éducation à la santé (voir son rapport), j’ai pu échanger avec les mamans sur leurs ressentis vis-à-vis de l’école. Elles ont exprimé leur confiance dans cette école et leur joie que leurs enfants puissent en bénéficier. Elles sont satisfaites tant par les apprentissages que par le repas qui leur est donné.  Elles aimeraient bien sûr que leurs enfants aillent dans une école privée et ont conscience que c’est par l’éducation que leurs enfants pourront réussir. Elles expriment pour eux la volonté qu’ils sortent du bidonville et gagnent mieux leur vie. Leur confiance et leur joie étaient de superbes remerciements pour ce programme et ils ne peuvent que nous pousser à continuer…

Nous avons retrouvé toutes ces mamans lors de notre visite dans le bidonville (voir le compte-rendu de Delphine Marion).

VISITE DE LA « CITY PUBLIC SCHOOL » :

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Nous sommes allées voir l’école où sont scolarisés 5 enfants du bidonville depuis la rentrée scolaire, grâce aux parrains-marraines françaises. L’école est située à 200 m du bidonville dans une impasse très calme, sans circulation automobile, très bien entretenue. Les sanitaires sont propres et il y a même un très grand jardin.

Il y a 8 classes de 50 élèves. Nous avons pu rencontrer la Directrice, très ouverte et très correcte. Les échanges furent difficiles en l’absence de Shashi pour traduire, mais nous l’avons remerciée d’avoir accepté ces enfants dans son école. Nous avons fait le tour des classes (perturbant un peu l’organisation des cours…) afin de discuter avec les enseignants.

– Pour Saïf, 10 ans, entré en KG2 (équivaut à une classe préparatoire pour l’entrée en école primaire pour enfants plus âgés), tout se passe bien.
Sharafat Ali, 14 ans, entré en 3ème (équivaut au CE2), est le meilleur élève de sa classe.
Waseem, 13 ans, entré en 2nde (équivaut au CE1), progresse plus lentement et a besoin d’être poussé et guidé.
Mankasha et Hasmeen, les deux petites filles âgées de 6 ans, sont en nursery (équivaut à la maternelle). Elles suivent les cours sans problème, sont sages et attentives.

Sundiou va voir la directrice régulièrement pour faire le point sur ces 5 élèves et s’occupent aussi d’eux au sein de l’école Sruti  s’ils ont besoin d’un soutien scolaire et d’argent pour participer aux  activités diverses de l’école privé.

Les enfants portent tous un uniforme toujours impeccable. Les cartables sont assez lourds et contiennent, par exemple, dans ceux d’Hasmeen et Mankasha, 8 grands cahiers (exercice pré-imprimés pour la connaissance des chiffres, des lettres, alphabet simple en hindi et en anglais, coloriage, lecture de petites histoires courtes en anglais et hindi) ainsi que la trousse et la boîte de déjeuner. Tous ces cahiers sont très bien entretenus par les 2 fillettes.

Alim, ce jeune enfant sourd de 13 ans, va rentrer très prochainement (en avril 2011) dans un établissement privé spécialisé pour les enfants sourds, situé à 3 kms du bidonville. Actuellement, il continue de venir tous les jours à la petite école Sruti.

CONCLUSION :

Je repars de Lucknow à la fois enchantée et un peu triste. Triste parce que cela fut trop court… Mais surtout enchantée !

Voilà quelques points qui me semblent importants pour les prochaines missions :
– Éducation à la santé : évaluer la possibilité de mettre en place un volet d’éducation à la santé pour les enfants.
– Suivre le projet éducatif : évaluer si le programme mis en place fonctionne et est adapté.
– Matériel : évaluer quel matériel a été utilisé et quels sont les besoins (ce que nous pouvons trouver sur place et ce que nous pouvons amener de France).
– Mise en place d’un cahier d’activités : j’ai évoqué avec Mina et Shashi la possibilité de leur préparer un cahier avec des activités-types qu’elles pourraient proposer en fonction des âges de chaque enfant. Un pré-programme leur a déjà été remis pour commencer.

Catherine Blanche,
Intervenante pour Sruti